
Le steampunk comme recyclage poétique du temps
Depuis quelques années, le style steampunk s’est invité dans l’univers de la mode, du design, et désormais, dans celui de la joaillerie artisanale.
Issu d’un imaginaire rétro-futuriste où les engrenages, les cuivres et la vapeur dessinent un monde alternatif, le steampunk n’est pas qu’un simple style visuel. Il est aussi une philosophie de détournement, de réparation et de revalorisation du passé.
Dans mon atelier, je fais revivre des mécanismes horlogers oubliés. Ces mouvements automatiques, souvent fabriqués entre 1900 et les années 1960, ne battent plus. Et pourtant, à travers mes mains, ils reprennent vie autrement : en bagues, en pendentifs ou en boucles d’oreilles, ils deviennent porteurs de mémoire et de mystère. Entrons ensemble dans les rouages de ce processus.
1. Le mouvement automatique : une prouesse d’ingénierie
Avant de devenir bijoux, les composants que je récupère étaient le cœur battant de montres mécaniques. Le mouvement automatique repose sur un principe ingénieux : une masse oscillante (ou rotor) pivote avec le mouvement du poignet et remonte le ressort moteur, alimentant ainsi l’énergie nécessaire au fonctionnement de la montre. Ce système fut popularisé dès le XVIIIe siècle mais atteint son apogée technologique au XXe siècle.
À l’intérieur, on trouve des roues d’échappement, des trains de rouages, des rubis synthétiques servant de pivots, le tout agencé avec une précision fascinante. Même hors d’usage, ces pièces restent magnifiques : la finesse du guillochage, la patine des métaux, les gravures souvent minuscules portant le nom du fabricant… Autant de traces de l’artisanat d’antan.
(Source : Wikipédia - Montre mécanique)
2. Le steampunk : entre rétro-technologie et esthétique du recyclé
Le steampunk est un genre né de la littérature de science-fiction, popularisé par des auteurs comme Jules Verne ou H.G. Wells, mais aussi par des œuvres contemporaines qui imaginent un monde où la révolution industrielle aurait évolué autrement. Ce courant esthétique mêle l’ancien et le futur, la machine et le rêve.
Dans mes créations, je m’inscris dans cette logique. Je détourne ces mécanismes usés, inanimés, en leur offrant une nouvelle fonction symbolique. Un engrenage devient un centre de bague, une platine sertie d’anciennes vis se transforme en pendentif unique. Chaque bijou est un microcosme où passé et présent cohabitent.
C’est aussi un acte engagé. Dans une société où tout est jetable, revaloriser l’ancien, c’est militer pour un artisanat lent, durable, qui donne du sens. Mon travail est à la croisée de plusieurs chemins : design, histoire de la technique, poésie du temps.
3. Une poésie mécanique
Ce qui me touche dans ces mécanismes, c’est leur silence. Ils ne mesurent plus le temps, mais ils le racontent. Chaque pièce, chaque dent d’engrenage porte en elle le souvenir d’un usage, d’un quotidien, d’une époque. Certains mouvements que je trouve datent du début du XXe siècle : ils ont peut-être appartenu à des poilus, à des ouvriers d’usine, à des explorateurs, à des anonymes du siècle passé.
En les transformant, je ne cherche pas à les embellir de manière excessive. Je veux préserver leur authenticité, leur usure, leur vérité. C’est cette sincérité brute qui, je crois, touche les gens. Car dans un monde qui va vite, qui efface, qui oublie, mes bijoux invitent à la contemplation, au ralentissement, à la mémoire …
Conclusion : Et si le temps, lui aussi, pouvait être recyclé ?
Ces bijoux ne donnent plus l’heure. Mais ils offrent un instant de poésie, unet invitation à se reconnecter à ce qui dure, à ce qui reste. En les portant, on ne regarde pas le temps passer : on le ressent, on l’honore.
Et toi, quel morceau du passé aimerais-tu porter autour du cou ?